vendredi 16 janvier 2009

Les souffrances des camerounais au Cambodge (1ère partie)


A mon arrivée à Phnom Penh, capitale du Cambodge, il y a quelques mois, et au vu du traitement qui m'a été réservé à l'aéroport (voir le premier post), je me suis dit que ça devait être la première fois qu'un noir arrive dans ce pays. Deux jours plus tard, et malgré le fait que mes collègues européens m'ont assuré de la présence d'une communauté africaine à Phnom Penh, je n'en ai moi-même pas vu un seul, bien que j'aie visité quelque peu la ville (dont il faut dire qu'elle est gigantesque, à l'instar des autres capitales sud-asiatiques).

Pourtant, moins d'une semaine plus tard, j'allais enfin faire la connaissance d'africains comme moi, et surtout de deux compatriotes. Voici les faits.

Je me suis rendu à une agence d'envoi rapide d'argent pour accomplir mon devoir, comme tout expatrié qui a laissé derrière lui femme, enfant et de multiples problèmes à résoudre. Pendant que je remplis les formulaires de transfert d'argent, un africain est entré, à la carrure sportive, à mon plus grand plaisir! C'était la première fois, après cinq jours, que j'en vois un à Phnom Penh. Nous nous saluons d'un signe de la tête. Lui aussi vient pour envoyer un peu d'argent aux siens. Pendant que les guichetiers enregistrent nos opérations, et après lui avoir causé, j'ai appris qu'il s'appelait Mandela, qu'il est originaire de la RDC et qu'il est footballeur. Je lui fait part de mes origines camerounaises, et du but de ma venue au Cambodge. Il m'assure qu'il y a beaucoup de camerounais à Phnom Penh, et j'insiste pour savoir où les rencontrer. C'est alors qu'il note le numéro de l'un d'eux, avec qui il partage le même appartement. Il se prénomme I... Malheureusement, je n'ai pas encore de puce (il faut que vous sachiez que l'obtention pour un étranger d'un numéro de téléphone portable au Cambodge relève d'un véritable parcours du combattant. Il s'agit en effet de constituer tout un dossier, et de se faire accompagner par un cambodgien qui pourra répondre de vous). Toutefois, je lui fais la promesse d'appeler immédiatement après que j'aurais pu avoir un numéro. Ce qui a été le cas deux jours plus tard.

Le premier numéro que je compose, est celui de I... C'est une voix féminine, parlant le Khmer (la langue nationale) qui me répond. Aïe! Ça commence mal. J'essaie d'expliquer en français d'abord, puis anglais que je désire parler à I...Ça n'aboutit à rien, elle ne me comprend pas, et moi non plus. Je raccroche, un peu déçu. Je n'ai pas encore digéré ma déception qu'un numéro m'appelle. Il s'agit cette fois d'une voix d'homme, francophone et menaçante.

« C'est toi qui appelle ma copine et tu lui parles en français? Tu es fou? Tu veux la draguer? Qu'est-ce que tu lui disais?» Hurle le bonhomme. Je reconnais l'accent des grands lacs de Mandela. J'essaie de le calmer du mieux que je peux.

- Ecoutez, j'ai rencontré un africain qui s'appelle Mandela dans une banque, c'est lui qui a écrit ce numéro, en me disant qu'il s'agit de celui d'un camerounais appelé I... Ça fait presque une semaine que je suis au Cambodge, je ne connais pas ta copine. Là, il me dit être Mandela, et qu'il se souvient de moi. Il reconnaît son erreur, et s'excuse, non sans m'avoir d'abord dit que « si tu ne fais pas comme cela, les autres vont te voler ta copine ». Ça commence bien, me suis-je dit.

Après s'être rassuré qu'il s'agit bien de mon numéro, il promet de le passer à un camerounais avec qui il joue dans la même équipe, et que ce dernier me contactera. Je suis d'accord.

Moins de deux heures plus tard, un nommé T... m'appelle. Que ça fait du bien d'entendre un compatriote. Nous retombons vite dans ce langage propre aux jeunes camerounais et si particulier: « C'est how? Tu es kem quand? Tu long où? » (Comment ça va? Tu es arrivé quand? Où habites-tu). Je lui réponds, et rendez-vous est pris pour le lendemain, un samedi, au stade olympique de Phnom Penh.

Le stade olympique de Pnom Penh

Le lendemain, je me rends au lieu du rendez-vous. Je l'attends devant l'entrée principale comme convenu. Un bip à la camerounaise sur son téléphone. Rebip de sa part. C'est bon, il arrive. Effectivement, moins de cinq minutes plus tard, j'aperçois deux noirs, sur une moto qui sort du stade. Elle se gare à mon niveau, et les civilités commencent. Je peux voir enfin T... qui est à l'arrière de la moto. Le conducteur, s'appelle J..., lui aussi est camerounais, et footballeur. Mais en plus, ce dernier donne des cours d'éducation sportive dans un lycée de la capitale. Nous bavardons là, pendant 15 minutes. Ils sont surpris d'apprendre qu'après une semaine, je loge toujours à l'hôtel, et surtout que la nuitée me revient à près de 20 dollars américains. Ils veulent voir l'hôtel, j'accepte avec plaisir. Je loue les services d'un motodup (conducteur de moto-taxi), et eux vont nous suivre.

Arrivés à dans ma chambre, ils se mettent à l'aise, et se servent des boissons gazeuses dans le frigo. Nous pouvons enfin discuter, rafraîchis par la brise glacée que nous envoie de temps en temps la clim.

Ils veulent savoir ce que je suis venu faire au Cambodge. Je me méfie, je ne leur dis pas tout, juste que je suis ici pour donner des formations pendant un an. Je leur demande à mon tour pourquoi ils ont choisi le Cambodge, et depuis combien de temps ils y sont. « En fait, me dit J..., j'ai quitté le Cameroun pour la Thaïlande. Mais ça n'a pas marché, je n'ai pas trouvé de club. Quelque temps après, je suis allé au Vietnam, c'était la même chose. C'est pourquoi je suis venu ici. Je suis au Cambodge depuis un an exactement, je joue dans le club de Phnom Penh Empire ». Le parcours est le même pour T... Malheureusement, il s'est fracturé la jambe il y a quelques mois au cours d'un match, et depuis, il a été opéré en Thaïlande, mais n'a toujours pas repris les entraînements. « Ils ont mis du fer dans ma jambe », me dit-il en relevant le pan de son pantalon afin que je puisse voir. Effectivement, une large entaille lui parcourt la jambe gauche.

Je veux savoir davantage sur leur vie au Cambodge. Je vais être servi pendant plus d'une heure.

- Nous sommes au total 18 camerounais ici à Phnom Penh, et nous sommes tous des footballeurs, commenca J... Malheureusement, juste quelques uns d'entre nous ont pu trouver un club.

- Et les autres, que font-ils?

- Mon frère, on se débrouille comme on peut. On s'entraide, on héberge ceux qui n'ont pas de logement. Aussi, on donne des cours de sport de temps en temps, pour avoir quelques dollars (US).

- On avait aussi mis sur pied une tontine entre nous les camerounais, mais les gars l'ont « gâtée », ajoute T...

- Si tu vois ce que certains gars sont obligés de faire pour manger et dormir sous un toit, tu ne vas pas le croire. Ça m'intéresse, je veux savoir davantage. Je demande à J... de poursuivre. Man, il y en a qui vivent avec des cambodgiennes, des veuves la plupart du temps, comme des esclaves sexuels. Elle te nourrit, et te procure un toit. En échange, tu dois assouvir la moindre de ses sollicitations sexuelles, quelque soit l'heure.

- Ça ressemble à de la prostitution, lui dis-je.

- Ils vont faire comment mon frère, ils doivent tchop (manger) pour vivre, justifie T...A défaut, tu te livres au trafic de drogue comme le font nos voisins (c'est comme cela que les compatriotes appellent les nigérians, afin qu'ils ne sachent pas qu'on parle d'eux).

- Gars, on « war » (souffre) ici, reprend J... dans un soupir avant de s'allonger sur le lit. Bien même quand tu trouves un club, avec le salaire qu'on te donne, tu ne peux pas vivre convenablement.

- Combien vous êtes payés? Je demande.

- Moi je touche 120$ (près de 60 000FCFA) par mois, m'avoue J... Avec ça, tu dois manger, payer le loyer, les factures, et l'essence pour la moto. De plus, il y a la famille au pays qui croit qu'on vit comme des rois. C'est impossible de vivre avec ça, c'est pourquoi je donne des cours de sport 2 fois par semaine dans un lycée. A la fin du mois, je gagne 80$ (Près de 40 000FCFA). Je n'en crois pas mes oreilles.

- Pour moi c'est encore plus dur, poursuit T... Depuis ma fracture, puisque je ne joue pas, mon salaire est quasiment nul. Heureusement mes dirigeants sont compréhensifs, ils continuent de me payer le loyer. Mais jusqu'à quand? De plus, ajoute-il, j'héberge chez moi un compatriote qui n'a jamais pu trouver un club. On se débrouille pour vivre.

- Ici, les noirs n'ont droit à rien. Tu ne peux te plaindre nulle part. Un beau matin, tu viens aux entraînements, et tu apprends que ton contrat est annulé, que tu dois quitter le club. Ils le font chaque fois, sans même te reverser le moindre sou.

- Vous êtes assurés tout de même? je m'empresse de demander. Il y a des avocats ici je crois! Là, tous les deux éclatent de rire.

- Assur... quoi? Il n'y en pas, en tout cas pour les joueurs. Je te dis que tu ne peux te plaindre nulle part, se moque T...

- Pourtant depuis qu'on est là, leur championnat est plus relevé, poursuit J...

- Mais pourquoi vous ne rentrez donc pas au pays? Je questionne.

- Tu veux qu'on back (rentre) do (faire) quoi? S'élance J... Je sens dans sa voix un peu d'énervement. Nos familles se sont sacrifiées pour nous payer le voyage, elles comptent sur nous, on ne peut pas back (rentrer) comme cela. Déjà, le billet d'avion le mois cher coûte plus de 1 500$. Tu imagines les économies qu'on doit faire.

- J'ai tout vendu chez moi pour payer ce voyage, explique T... à son tour. Si j'avais su, je ne serais pas venu. Mais là, je ne peux plus faire marche arrière. Je garde espoir de repartir en Thaïlande, où les clubs payent mieux. C'est quand j'aurais réussi que je rentrerai au pays, même si ça doit me prendre 10 ans.

C'est sous ces mots que notre discussion prend fin, suivi d'un long silence où chacun repense à tout ce qui a été dit. Ils promettent m'aider à trouver un logement très rapidement, en commençant par m'aider à m'installer dans une guest-house (petit-hôtel dont la vulgarisation a pris de l'essor à l'époque des casques bleus de l'ONU à la fin des années 80). Rendez-vous est pris pour le lendemain avant 12heures, pour ne pas à avoir à payer une nouvelle nuitée. Je les raccompagne dans la rue, jusqu'à leur moto. Nous nous saluons en faisant claquer nos doigts, comme on le fait au pays. Les passants et les conducteurs de motos nous jettent des regards curieux. Puis, je les regarde s'en aller, et je reste quelques minutes, là, dans la rue, avant de remonter dans ma chambre, non sans avoir salué au passage la charmante réceptionniste à la manière asiatique.

lundi 22 décembre 2008

Mission à Hô-Chi-Minh-Ville (Vietnam (1ère partie)

Bonjour chers lecteurs.

Je sais, ça doit faire pas mal de temps que je n'ai pas fait de posts sur le blog. C'était surtout dû à des obligations professionnelles, qui m'ont conduit toute la semaine passée au... Vietnam (ou Viêt Nam) particulièrement à Hô Chi Minh Ville, ancien Saïgon.


Drapeau de la République Socialiste du Viêt Nam

Ça n'a pas pourtant été facile, jusqu'à la dernière minute, ce n'était pas sûr que j'effectuerai le voyage. Pourquoi? Eh bien parce que les noirs, ou si plus précisément, les africains" sont désormais persona non grata au Vietnam. Mon voyage était prévu pour dimanche, et ce n'est que vendredi que nous avons reçu un courriel du ministère de l'immigration du Vietnam, dans lequel un document était joint, et qui m'autorisait à retirer mon visa d'un mois, à mon arrivée à l'aéroport. Il existe pourtant une ambassade du Vietnam au Cambodge, mais je me suis vu refuser le visa quelques jours plutôt.

Vous vous interrogez certainement sur le pourquoi de cette mesure qui frappe une fois de plus les noirs. A ce qui paraît, mes semblables de la même race, étaient il y a quelques années, autorisés à entrer sans aucune complication au Vietnam. Jusqu'à ce que, il fallait s'y attendre, les choses se gâtent. Ne trouvant pas de travail, et pour survivre, ils ont commencé à s'adonner à un certain nombre de choses pas très catholiques: Délinquance, trafic de drogue et de stupéfiants, escroquerie, etc. Jusqu'à ce que le gouvernement communiste du Vietnam émette une loi (non-officielle), qui interdit l'accès dans le territoire aux ressortissants du continent noir.l L'Afrique sub-saharienne n'est pas la seule concernée, les maghrébins ne sont pas épargnés non plus (un marocain, qui devait donner des formations dans une université, s'était vu interdire l'accès au Vietnam).

Dans ces conditions, en effectuant le voyage, je m'attendais à ce qu'on ne m'accueille pas comme un héros à mon arrivée. Et je n'ai pas été déçu. Tout avait pourtant bien commencé ce beau dimanche ensoleillé à Phnom Penh. Le chauffeur de ma structure est venu me chercher chez moi, pour me conduire à l'aéroport. Le vol à bord d'un Fokker 70 de Vietnam Airlines était plaisant, bien que court (50 minutes), l'atterrissage réussi. Voilà, je pénètre dans l'aéroport. Déjà les regards de surprise et d'étonnement me dévisagent. Je m'avance vers la zone de vérification de passeport. Mon tour arrive, je présente le mien à une fille en tenue de policier, les cheveux tirés en arrière dans un chignon. Elle porte des lunettes qui lui donne l'air sévère. Je lui dis "Hello". Elle ne répond pas, et parcourt nerveusement les pages de mon passeport, à la recherche du visa vietnamien. C'est là que je lui tends le document envoyé par le ministère. Elle le lit avec attention, en vérifiant chaque fois si les données correspondent à celles sur mon passeport. C'est alors qu'elle me montre du doigt un autre box, situé de l'autre côté. Je peux y lire "Visa Service". Je m'y rends sur le champ. Là, de l'autre côté de la vitre, se trouve un jeune homme, policier lui aussi, sa collègue, qui est derrière un ordinateur, et un autre homme, dont à travers le nombre d'étoiles sur ses galons, doit certainement être le chef de service.
Je lui tends les deux documents. Il les parcourt, les authentifie à son tour. Puis, quand il lève enfin les yeux, il me regarde, et compare mon visage avec celui sur la photo du passeport. Il me demande dans un anglais archaïque, combien de temps je compte rester. "5 jours", lui dis-je. Il veut savoir pourquoi je suis là, voir mon ordre de mission, mon billet d'avion de retour, mon assurance, la réservation de l'hôtel. Je lui montre tout cela. C'est alors qu'il me demande si j'ai de l'argent. "Oui, c'est évident, j'en ai". Il veut le voir.
- What? You want to see the money I have? Je lui demande, surpris.
- Show me, il me dit. Eh bien, j'aurais tout vu sur cette terre. Je m'exécute, je sors mon portefeuille, et lui montre la centaine de dollars que j'ai sur moi, en coupures différentes, ainsi que les 320 000 Dong (la monnaie Vietnamienne, environ 20$) que je possède aussi. Il me demande de coller l'un des billets de 20$ sur la vitre. Ce qui est fait. Il demande à voir l'autre face. Je le fais aussi.

Il écrit des choses que je ne peux pas voir, et se lève avec tout mon dossier, qu'il va soumettre au Chef au fond du bureau. Il examine très rapidement mon dossier, et le lui remet. Je me demande ce qu'il me réserve à présent. Un test d'ADN peut-être. Non! Il revient, me demande une photographie d'identité. Je la lui donne. Il l'agrafe sur un formulaire photocopié qu'il me remet de remplir, en me montrant un siège derrière moi où je peux m'asseoir. Je m'exécute. Pendant que je remplis, un occidental arrive au même bureau. Et là, miracle! Je peux voir le policier lui sourire de toutes ses dents jaunes. Il ne lui est rien demandé, juste la photo. Le blanc remplit rapidement sa fiche, pendant que son visa est apposé sur son passeport. Il remercie et s'en va aussi vite qu'il était venu. Eh bien!

Je finis de remplir, et je retourne voir le monsieur. Il me demande 25$ de frais de visa. Je paye, et la femme saisit rapidement les informations sur son ordinateur. Mon visa est prêt! Enfin! Le monsieur me remet tous mes documents. Je les prends, non sans avoir exigé qu'on me remette le reçu.

Je retourne voir la femme de tout à l'heure, à l'air sévère. Même vérification d'usage, et coup de tampon. Je peux à présent sortir de ce lieu sordide.

lundi 8 décembre 2008

Mon arrivée à Phonm Pehn!

Voilà à peu près deux mois que je suis au Cambodge, pays qui va m'accueillir pendant douze mois, le temps de ma mission pour le compte d'une organisation internationale.

Drapeau du Royaume du Cambodge

En provenance de Paris, le voyage fut long, très long. 11h30 de vol entre Paris et Hanoï au Vietnam, au bord d'un Boieng 777/200 de la compagnie Vietnam Airlines. A bord, j'ai pu voir défiler les pays, sur l'écran de navigation, depuis l'Europe, le Moyen Orient, et l'Asie. Enfin, on atterrit. Il est 5h30 à Hanoï. Première réaction: Il fait une chaleur étouffante: 29°C à 5h du matin. Et moi qui arborait encore mes vêtements du froid européen. Je suais à grosses gouttes, malgré le fait que j'avais ôté mon blouson.



Le Boieng 77/200 de Vietnam Airlines

Après les formalités de douane et de vérification de passeport, nous avons dû attendre plus de 3 heures dans le hall de l'aéroport, pour embarquer dans un autre avion, plus petit celui-là, un Fokker 70 toujours de la même compagnie. Destination finale Phnom Penh au Cambodge, via Vientiane au Laos, où on a dû tous sortir de l'appareil, attendre quelques minutes à l'aéroport, et embarquer de nouveau.

Le Fokker 70 de Vietnam Airlines

J'ai fait le trajet jusqu'à Vientiane avec un autre collègue africain, de nationalité ivoirienne. Lui aussi, rejoignait son poste d'affectation au Laos. Nous étions les seuls noirs, évidemment on attirait les regards. Des regards de curiosité plutôt qu'autre chose. Je n'y prêtais pas trop attention, du moment où il était là, et que j'avais quelqu'un à qui parler. Quand il est descendu à Vientiane, et que je me suis retrouvé seul, là, j'ai vraiment commencé à prêter attention aux regards qui me dévisageaient dans l'aéroport et dans l'avion. J'essayais d'interpréter du mieux que je pouvais ce qu'ils véhiculaient. Toujours de la curiosité? Etaient-ce des regards haineux? Racistes? Je ne pouvais pas déterminer exactement. Toujours est-il que moi aussi je les regardais. Je regardais ces asiatiques qui nous fascinent tant en Afrique, par leur esprit d'initiative, leur sens des affaires, et surtout leur discrétion. Jamais, je n'ai vu l'un deux dans les rues de Yaoundé, se promenant bras dessus-bras dessous avec une de nos compatriotes, pourtant si friandes des étrangers. Je me demandais ce qu'allait être mon séjour chez eux. Allais-je être accepté? Aurais-je des amis?

La voix du pilote dans les hauts-parleurs m'interrompit de mes rêveries. Phnom Penh était en vue. Enfin! Du siège où j'étais assis, je regardai par le hublot. Au fur et à mesure que l'appareil descendait, une partie de la ville se découvrait sur mes yeux. Des immeubles, des routes tracées, et surtout beaucoup de circulation.

Atterrissage réussi, débarquement de l'avion. La chaleur est toujours aussi étouffante, oppressante. On se croirait à Douala au Cameroun. Il devait faire dans les 35°C. Je suis le long rang qui s'ébranle pour les vérifications de visa. Déjà, un policier khmer m'interpelle, et me demande mon passeport. Je le lui montre. Tout est en règle. Il me fait signe de la tête de circuler. 10 m plus loin, alors que je m'apprête à aller chercher mes bagages, deux autres s'avancent vers moi. Même contrôle. L'un deux tourne et retourne mon Passeport, me dévisage, et me demande l'objet de ma visite au Cambodge, dans un anglais approximatif. Je lui réponds, et j'ai l'impression qu'il n'a pas tout compris. Il me fait signe de le suivre. Et là, je commence vraiment à me poser des questions. Je lui dis que je dois au préalable récupérer mes valises, en faisant des gestes de mes mains. Il m'y autorise, en commettant l'autre policier pour m'y accompagner. Je les récupère, c'était les seuls d'ailleurs qui n'étaient pas encore partis. C'est là que je me rends compte que de la trentaine de passagers avec qui j'ai débarqué à Phnom Penh, je reste le seul en prise aux formalités. Pas grave! "Ils n'ont pas souvent l'habitude de voir des noirs", me suis-je dit. Je rejoins l'autre qui ne me quittait pas du regard, là, on me conduit à la douane. ils sont près de 5 policiers autour de moi. Les questions fusaient: D'où venez-vous? Vous êtes de quel pays? Que venez-vous faire au Cambodge? etc. Je répondais du mieux que je pouvais, visiblement déjà un peu agacé, et surtout très fatigué. J'avais surtout peur que la personne qui était sensée venir me chercher à mon arrivée, ne pense que je n'ai pas fait le voyage, et s'en aille, me laissant me débrouiller seul, dans une ville où je ne connaissais personne, pas même le nom de l'hôtel où ma chambre avait été réservée.

C'est alors qu'ont commencé les fouilles. Tous mes bagages y sont passés, même mon bagage à main dans lequel mes pièces administratives étaient gardées. Contrairement à ce que je croyais, je n'ai pas eu droit à la fouille au corps. Après près de 5 minutes de fouille avec minutie, ils m'ont enfin donné le feu vert pour quitter l'aéroport. Je refermais mes valises, déçu de l'accueil. Je rêvais de beaucoup mieux, moi qui avais laisser femme et enfant, et qui avais fait des milliers de kilomètres pour venir apporter un peu de mon savoir, à ce peuple qui avait tant souffert. Apparemment, ils connaissaient des noirs autant que je croyais connaître d'eux.

Enfin, je sors de l'aéroport. Je suis le dernier, tout le hall est déjà vide. Ouf! Il est bien là, mon collègue belge, venu me chercher. Nous embarquons dans le taxi climatisé, loué pour la circonstance. Je m'assieds à l'arrière, épuisé. Il est 12h35. Nous roulons dans les rues de Phnom Penh! Premier cliché qui tombe: Je croyais la ville moins développée que cela! Que non! Les grandes artères sont bien tracées, les rues numérotées, la circulation abondante, les motos partout. Pas que les motos, les 4x4. Je n'en crois pas mes yeux. Des bolides plus rutilantes les unes des autres. Des Land Cruiser VX, des Lexxus, des 4x4 Ford que je n'ai jamais vus encore, des Hilux dernière génération. J'interroge mon collègue sur ce propos, il me dit qu'en effet, il y en a beaucoup, et que je n'ai encore rien vu. Il me dit que je pourrais voir à l'occasion des Ferrari, et autres voitures de luxe. Tout ceci m'interpelle! Deuxième cliché qui tombe: Finalement, ils ne sont pas aussi pauvres que je le pensais.

Nous faisons route vers mon hôtel, je regarde par la fenêtre, j'admire, je m'étonne, mais déjà, je n'ai qu'une seule envie. Prendre une bonne douche, et dormir.



Quelques photos du Royaume du Cambodge!